Source : alternative santé – Clara Delpas rédigé le 22/04/21 à 14h50 — Article paru dans le journal nº 89
De l’aveu de l’agence sanitaire elle-même, le rapport n’évalue pas de manière exhaustive les risques associés à l’exposition à la 5G dans le futur… Ce que soulignent quatre organisations citoyennes qui attendaient de cette expertise plus de réponses : Alerte Phonegate, le CRIIREM,Robin des Toits et SERA. Faisant front dans un communiqué de presse commun, ces dernières accusent ainsi l’Agence de« tourner le dos à l’inquiétude manifestée par de nombreux scientifiques, professionnels de santé, organisations et citoyens tant en France qu’en Europe » . Et de préciser : « l’Agence n’aborde pas l’effet de cumul dû à une exposition à l’ensemble des fréquences, proposant uniquement une analyse différenciée par bandes ». En effet, il est prévu que la 5G se déploie tout d’abord sur la bande de fréquences des 3,5GHz, puis, sur celle des 26GHz… Mais en attendant, la population est déjà à la fois exposée à la 2G, la 3G, la 4G et la 4G+ !
En effet, pour transmettre des données, la 5G sera amenée dans le futur à se déployer sur différentes fréquences d’ondes, chacune ayant des propriétés distinctes en matière de débit ou de portée de signal, mais également, potentiellement, en matière d’effet sur la santé.
Sur la bande de fréquences 3,5 GHz (la première bande mise aux enchères par les pouvoirs publics pour les opérateurs de téléphonie en 2020), l’Anses ne trouve rien à redire. Et sa conclusion a été largement reprise et présentée comme rassurante dans les médias : « Le groupe de travail considère qu’il est peu vraisemblable, à ce stade, que le déploiement de la 5G dans la bande de fréquences autour de 3,5 GHz constitue un nouveau risque pour la santé. » L’Agence ajoute cependant une nuance importante : « L’intermittence des signaux des technologies sans fil pourrait influencer l’ensemble des réponses biologiques. Ceci n’a été jusqu’à présent que peu investigué, et reste un questionnement dans l’évaluation des risques sanitaires. »
S’agissant de la deuxième bande destinée à la 5G, celle de 26 GHz – qui permettra son plein déploiement –, l’Anses fait pur aveu d’ignorance, constatant qu’« à l’heure actuelle, les données ne sont pas suffisantes pour conclure à l’existence ou non d’effets sanitaires liés à l’exposition aux champs électromagnétiques dans la bande de fréquences autour de 26 GHz » . Heureusement, le déploiement de la 5G dans cette bande-là n’interviendra pas avant… deux ou trois ans !
« Pour l’instant, la 5G n’est pas déployée en tant que telle », rappelle Pierre-Marie Théveniaud, représentant de l’association Robin des Toits au comité de dialogue Radiofréquences et Santé de l’ANSES. « On est plutôt sur de la 4G+, dans la bande de fréquences de 2,1 à 2,6 G H z déjà utilisée par la 4G, mais avec des puissances d’émission qui sont déjà multipliées par dix ! Or on voit déjàdes gens qui ont des symptômes, notamment des vertiges et des céphalées », explique-t-il. « Nous sommes très inquiets: le rapport n’évoque pas les caractéristiques des futurs portables 5G et l’Agence entretient la confusion sur les différents modes d’exposition à tous ces objets connectés », ajoute-t-il. En effet, le rapport ne dit rien sur l’exposition permanente et en tous lieux générée par l’ensemble des nouveaux dispositifs nécessaires au fonctionnement des milliards d’objets connectés qui nous entourent. Un autre passage du rapport est très inquiétant : « Toutes les préconisations formulées par l’Anses pour limiter les expositions, en particulier dans son rapport sur l’exposition des enfants (2016) n’ont pas été reprises . »
« L’Anses semble s’être soumise à l’ICNIRP (Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants) », déplore Pierre-Marie Théveniaud. Or cette ONG qui se présente comme scientifique, à but non lucratif et indépendante, fixe les valeurs limites d’exposition aux ondes et ses avis sont très largement suivis par les institutions. En mars 2020, l’ONG a révisé ses lignes directrices pour intégrer la 5G, et ses conclusions ont été immédiatement adoptées par la Commission européenne… Un problème de taille selon d’autres associations spécialisées : « L‘ICNIRP ne considère que les effets thermiques des radiofréquences, continuant de nier la possibilité de tout effet biologique. À l’inverse d’autres scientifiques tels que Pierre Le Ruz du CRIIREM par exemple dont les études n’ont même pas été prises en considération par l’Anses », complète le président de Robin des Toits.
La controverse sur la 5 G est donc loin d’être close. Et ce rapport, dont les associations critiquent les lacunes, ne fait que jeter un peu plus d’huile sur le feu. « La mise en consultation publique [du rapport], pour révisions éventuelles, durant six semaines, n’est qu’un simulacre d’exercice de démocratie sanitaire et de sciences citoyennes. En réalité, les décisions ont déjà été prises ! » a rapidement fustigé Michèle Rivasi sur Twitter. Pour la biologiste, fondatrice du CRIIREM et députée européenne, « l’Anses s’est lavé les mains et plaide pour son ignorance, ce qui n’apporte aucune réponse aux questions des élus qui attendaient ce rapport pour y voir clair ».
Ce qui est sûr, c’est que ce nouveau rapport d’expertise de l’Anses a été initié par une saisine du gouvernement en 2019,et que ce dernier n’avait pas l’intention d’attendre son avis puisqu’il avait décidé de mettre aux enchères dès mars 2020 les fréquences de la bande 3,5 GHz pour les attribuer aux divers opérateurs ! Si ces enchères n’ont finalement eu lieu qu’en octobre 2020, c’est uniquement pour cause de pandémie. La 5G se déployant partout dans le monde, il ne faudrait pas que la France soit en retard, ce raisonnement, plus économique que sanitaire, semble être celui des pouvoirs publics… On peut néanmoins douter que ce rapport, plus qu’arrangeant, suffise à éteindre toute polémique.
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